Le sevrage représente l’une des étapes les plus redoutées mais incontournables du chemin vers la liberté face à l’addiction. Ces premiers jours sans substance sont souvent décrits comme un véritable combat intérieur, mêlant défis physiques et émotionnels intenses. Derrière les statistiques et les descriptions cliniques se cachent des expériences profondément humaines, chargées de souffrance mais aussi de courage et d’espoir.
Ce journal intime retrace, jour après jour, cette première semaine cruciale d’un sevrage. Il offre un témoignage brut et authentique des montagnes russes émotionnelles et des symptômes physiques qui accompagnent cette étape fondamentale. Au-delà du témoignage, ce parcours illustre l’importance d’un accompagnement adapté et des approches thérapeutiques efficaces pour traverser cette période délicate.
Jour 1 : L’heure zéro
08h30 – C’est décidé. Après des mois d’hésitation, après avoir promis cent fois à mes proches, après avoir franchi tant de lignes rouges que je m’étais fixées, je me lance. Plus une goutte. Plus une trace. Plus rien. Je me sens étrangement calme, presque euphorique. J’ai contacté un psychiatre addictologue à Casablanca qui m’a aidé à préparer ce moment. Les médicaments pour atténuer les symptômes sont alignés sur ma table de nuit comme de petits soldats. Le frigo est plein. J’ai prévenu mon patron que j’avais une « grippe ».
14h15 – L’heure habituelle de ma première consommation quotidienne est passée. Mon corps commence à s’en apercevoir. Sueurs légères. Agitation. Je me répète que ce n’est que le début, que je dois économiser mes forces pour plus tard.
20h00 – L’angoisse monte comme une marée noire. Impossible de me concentrer sur quoi que ce soit. La télévision me semble absurde, la musique insupportable. Mon corps réclame sa dose avec une violence qui me surprend malgré les avertissements. Je prends les médicaments prescrits qui atténuent à peine le malaise.
23h45 – Première nuit. Impossible de fermer l’œil. Mon corps est un champ de bataille : frissons, sueurs, douleurs diffuses. Je fixe le plafond en me demandant si j’ai eu raison de commencer un vendredi. Deux jours entiers avant de pouvoir parler à mon médecin si ça tourne mal.
Jour 2 : La tempête
06h00 – Je n’ai pas dormi. Même pas une minute. Mon corps est parcouru de sensations contradictoires. J’ai simultanément chaud et froid. Ma peau me semble trop étroite pour contenir ce qui se passe à l’intérieur. Les nausées commencent.
10h30 – Je vomis pour la troisième fois ce matin. Impossible de garder quoi que ce soit. Même l’eau ressort. J’ai appelé la ligne d’urgence que m’a donnée le médecin. Une voix calme me rassure, m’explique que c’est normal, me conseille de prendre les antiémétiques par voie sublinguale.
15h00 – La douleur est partout. Chaque muscle, chaque articulation me rappelle que mon corps se révolte. Je m’étais préparé intellectuellement à cette étape, mais la vivre est une toute autre histoire. J’oscille entre la détermination (« plus jamais je ne veux revivre ça ») et le désespoir (« une dernière fois pour que ça s’arrête »).
19h00 – Premier appel à mon parrain de soutien. Sa voix m’ancre dans la réalité. Il me raconte sa propre expérience, presque identique. Il me dit que demain sera pire, puis que ça commencera à s’améliorer. Je raccroche en pleurant, à la fois reconnaissant et terrifié.
Jour 3 : Le fond du gouffre
04h30 – Réveillé en sursaut après avoir finalement sommeillé deux heures. Cauchemars d’une intensité terrifiante. Mon oreiller est trempé de sueur. Mon cœur bat si fort que je peux le voir soulever mon t-shirt. Je me traîne jusqu’à la salle de bain où j’alterne diarrhée et vomissements.
11h00 – Je n’ai plus la force de me lever. J’ai posé une serviette sur le sol à côté de mon lit avec une bassine. Les douleurs musculaires sont insupportables. J’ai l’impression que mes os vont transpercer ma peau. La sensation de manque est comme un trou noir qui aspire toute ma volonté.
14h00 – Ma sœur est venue. Elle nettoie sans un mot de reproche, change mes draps, m’aide à avaler quelques gorgées de bouillon. Elle a posé sa main sur mon front brûlant et j’ai pleuré comme un enfant. Elle m’a montré des témoignages sur addictions.ma de personnes qui ont traversé la même épreuve. Ça me semble encore impossible.
22h00 – Le médecin m’a appelé. Il a ajusté le traitement par téléphone. Les médicaments commencent enfin à faire effet. La douleur recule légèrement, juste assez pour me permettre de respirer.
Jour 4 : Les premières lueurs

09h00 – J’ai dormi quatre heures d’affilée. Un miracle. Les symptômes physiques sont toujours présents mais légèrement atténués. Par contre, l’angoisse monte en flèche. Des crises de panique me submergent par vagues. Chaque sonnerie de téléphone me fait sursauter.
13h30 – Premier repas que je garde depuis le début. Quelques cuillères de riz blanc. C’est fade, mais c’est une victoire. Mon corps semble comprendre qu’il doit s’adapter à cette nouvelle normalité.
16h00 – Première douche depuis trois jours. Je reste assis sous l’eau chaude pendant une demi-heure. Je me regarde dans le miroir pour la première fois : yeux cernés, joues creusées, teint gris. Mais quelque chose a changé dans mon regard.
20h00 – Premier moment de lucidité. Je réalise soudain l’emprise qu’avait ma dépendance sur chaque aspect de ma vie. Comme si un voile se levait. Cette prise de conscience est douloureuse mais étrangement libératrice.
Jour 5 : Les montagnes russes émotionnelles
08h00 – Les symptômes physiques commencent à s’estomper, mais une dépression massive s’installe. Je n’ai envie de rien, absolument rien. Le monde semble avoir perdu ses couleurs. Je comprends maintenant pourquoi on parle de « sevrage émotionnel ».
12h00 – Premier rendez-vous avec mon thérapeute depuis le début du sevrage. Session en visioconférence. Il m’explique que mon cerveau doit réapprendre à produire naturellement les substances chimiques du plaisir. Il me parle de neuroplasticité, de patience. Six mois, peut-être un an avant que tout redevienne vraiment équilibré.
17h00 – Première sortie de l’appartement. Juste dix minutes sur le balcon, mais l’air frais me semble d’une richesse incroyable. Je remarque le chant d’un oiseau que je n’avais jamais entendu auparavant.
21h30 – Crise d’angoisse violente, sans prévenir. Pendant vingt minutes, je suis convaincu que je vais mourir. Mon parrain reste au téléphone avec moi jusqu’à ce que la crise passe. Il me rappelle que ces montagnes russes émotionnelles font partie du processus.
Jour 6 : Premières réflexions
10h00 – Je commence à retrouver de l’énergie physique. J’ai rangé mon appartement, lentement, avec de nombreuses pauses, mais je l’ai fait. Chaque petit accomplissement semble énorme.
14h00 – Premier contact avec un ami qui ne sait rien de ma situation. Conversation brève par messages. Mentir sur la raison de mon absence me semble soudain absurde. Je réalise combien la dépendance m’a isolé socialement.
16h30 – Je trouve le courage de lire des articles sur le processus de rétablissement sur le site addictions.ma. Je découvre que ce que je vis est parfaitement normal. Je ne suis pas faible, je ne suis pas un cas désespéré. Je suis en train de guérir.
22h00 – Je rédige une liste des raisons pour lesquelles je ne veux plus jamais retourner à la drogue. Je la colle sur mon réfrigérateur. Elle me semble à la fois terriblement naïve et profondément vraie.
Jour 7 : Un nouveau départ
09h00 – Sept jours complets sans consommation. Je n’en reviens pas d’avoir tenu. Mon corps commence à se normaliser. J’ai dormi six heures cette nuit. Je me sens comme un convalescent après une longue maladie.
11h30 – Premier appel vidéo avec ma mère. Elle ne dit rien sur mon apparence mais je vois ses yeux s’humidifier. Elle me parle de la météo, de ses plantes, de tout sauf de ce qui nous préoccupe tous les deux. C’est sa façon de me dire qu’elle est là.
15h00 – Je fais mes premiers pas vers la routine recommandée par le programme de rétablissement : méditation guidée (dix minutes), exercice physique très léger (quelques étirements), hydratation régulière, repas à heures fixes.
20h00 – Je réalise que c’est la première journée où je n’ai pas eu de pensée obsessionnelle pour le produit. Pas une seule. Les envies reviendront, je le sais, mais cette journée marque un tournant. Je prépare mes vêtements pour demain. Premier rendez-vous en personne à la clinique.
Conclusion : Au-delà de la première semaine
Cette première semaine n’est que le début d’un long chemin vers le rétablissement. Les études montrent que le sevrage physique, bien que particulièrement éprouvant, ne représente qu’une petite partie du processus global de guérison. La vraie reconstruction commence après, lorsqu’il faut apprendre à vivre sans la substance, affronter les facteurs qui ont conduit à l’addiction, et reconstruire une vie équilibrée.
Les approches thérapeutiques efficaces combinent généralement soutien médical, accompagnement psychologique et aide à la réinsertion sociale. Ce n’est qu’en abordant l’addiction dans sa globalité, en traitant à la fois ses dimensions physiques, psychologiques et sociales, que le rétablissement peut s’inscrire dans la durée.
Si vous ou l’un de vos proches êtes confronté à un problème d’addiction, n’affrontez pas cette épreuve seul. Des professionnels comme ceux que vous pouvez contacter sur addictions.ma peuvent vous accompagner à chaque étape de ce parcours difficile mais profondément transformateur.
Le sevrage n’est pas qu’une épreuve à surmonter, c’est aussi le premier pas vers une liberté retrouvée. Et cette liberté, malgré son prix élevé, reste l’un des cadeaux les plus précieux que l’on puisse s’offrir.
Cet article s’inspire de témoignages réels mais a été adapté pour préserver l’anonymat des personnes concernées. Les symptômes de sevrage varient considérablement selon les substances, la durée de consommation et les caractéristiques individuelles. Ne tentez jamais un sevrage sans accompagnement médical approprié.