Chère addiction,

Je me souviens encore de notre première rencontre. Tu étais si séduisante, si prometteuse. Tu m’offrais l’évasion dont j’avais tant besoin, ce sentiment d’appartenance que je cherchais désespérément. Si seulement j’avais su ce qui m’attendait…

Le début de notre relation

Au commencement, tu étais discrète. Tu n’apparaissais que lors des moments festifs, des célébrations, quand j’avais besoin de me détendre après une semaine éprouvante. Je contrôlais nos rendez-vous, du moins c’est ce que je croyais. Personne ne m’avait expliqué que tu pouvais prendre tant de formes différentes, avec ou sans substance. J’ignorais que derrière ton visage avenant se cachait un monstre vorace.

Les signaux que j’ai ignorés

Si j’avais su lire les signes, peut-être aurais-je pu te reconnaître plus tôt. Ces moments où je pensais à toi même quand tu n’étais pas là. Ces légères modifications de mon comportement pour te faire une place plus grande dans ma vie. Cette irritabilité naissante quand tu tardais à venir. Ces premières excuses inventées pour justifier notre relation aux yeux des autres.

J’aurais aimé savoir que sevrer mon corps du tabac aurait été infiniment plus facile avant que tu ne t’immisces dans les moindres recoins de mon quotidien. Si j’avais eu conscience des dégâts que tu allais causer, j’aurais peut-être cherché de l’aide dès ces premiers signes d’alerte.

La prise de contrôle

Je ne saurais dire à quel moment exact tu as pris les commandes. Était-ce cette soirée où j’ai laissé tomber des engagements importants parce que tu m’appelais ? Ou peut-être ce matin où j’ai découvert que mes mains tremblaient lorsque tu t’absentais trop longtemps ? La frontière entre plaisir occasionnel et besoin viscéral s’est estompée si subtilement que je ne l’ai pas vue disparaître.

Ce que j’ai perdu en chemin

Aujourd’hui, en faisant l’inventaire de ce que tu m’as coûté, la liste est longue : des relations précieuses brisées par mes mensonges répétés, des opportunités professionnelles manquées, cette santé que je croyais inaltérable, cette confiance en moi que tu as grignotée jour après jour.

Si j’avais su que les étapes du sevrage alcoolique seraient si douloureuses, peut-être aurais-je réfléchi davantage avant de te laisser m’envahir. Ou peut-être pas. C’est bien là ton pouvoir : faire croire à chacun qu’il est l’exception, celui qui saura te maîtriser.

La rencontre qui a tout changé

Je me souviens de ce jour où, au plus bas, j’ai franchi la porte de ce cabinet de psychiatrie à Casablanca. L’angoisse me nouait l’estomac. L’idée même de te quitter me semblait insurmontable, comme abandonner une partie de moi-même. Pourtant, pour la première fois, quelqu’un mettait des mots sur notre relation toxique, décrivait avec précision les mécanismes de ton emprise.

Ce jour-là, j’ai compris que tu n’étais pas cette amie fidèle que je croyais, mais une geôlière impitoyable. J’ai appris que je n’étais pas seul(e) à être tombé(e) dans ton piège, que d’autres avant moi avaient réussi à s’en libérer.

Si j’avais su…

Si j’avais su que derrière chaque moment d’euphérie se cachaient des heures d’abattement, des jours entiers perdus à te courir après.

Si j’avais su que tu ne tiendrais jamais tes promesses de bonheur durable, de réconfort permanent.

Si j’avais su que tu n’étais pas la solution à mes problèmes, mais que tu les multiplierais.

Si j’avais su que tu me pousserais à trahir mes valeurs les plus profondes pour te satisfaire.

Si j’avais su tout cela… peut-être aurais-je eu la force de te résister dès le premier jour.

À ceux qui liront cette lettre

Si vous croisez mon addiction, méfiez-vous de son sourire engageant. Elle vous promettra le ciel, mais vous conduira en enfer. Elle vous chuchotera que vous êtes différent, que vous saurez l’apprivoiser là où d’autres ont échoué.

Ne la croyez pas.

Apprenez à reconnaître son visage avant qu’elle ne devienne votre reflet dans le miroir. Cherchez de l’aide dès les premiers doutes. La honte n’est pas de souffrir d’une addiction, mais de refuser l’aide qui pourrait vous en libérer.

Et si, comme moi, vous êtes déjà sous son emprise, sachez qu’il existe un chemin vers la liberté. Un chemin difficile, semé d’embûches et de doutes, mais qui mène à la redécouverte de soi. À cette vie authentique où l’on n’a plus besoin de substances ou de comportements compulsifs pour se sentir entier.

À mon addiction, je dis aujourd’hui : tu as pris beaucoup, mais pas tout. Il me reste assez de force pour t’écrire cette lettre, et assez d’espoir pour croire en un lendemain sans toi.

En route vers la liberté,

Un être en reconstruction

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *